Un « Ennéatype », ça parle de quoi en vrai ?

Un « Ennéatype », ça parle de quoi en vrai ?

Personnalité, caractère, ego, « vrai soi/faux soi »… ? Bref, quand on se penche sur notre Ennéatype, de quoi parle-t-on vraiment ?

Les risques à ne pas savoir de quoi on parle…

Enseignante d’Ennéagramme depuis quelques années maintenant, j’entends souvent parler de l’Ennéagramme comme d’un système qui décrit la personnalité des humains, grâce auquel on pourrait savoir qui sont les gens et qui nous sommes. Outre la dérive quasi-sectaire que cela permet, à base de « de toute façon, il est «1 », donc c’est normal qu’il fasse ça, ou qu’il dise ça ».

Et rien à faire : on a beau rappeler qu’un être humain est mille fois plus que son Ennéatype, la tentation est forte ; notamment à cause de la pertinence du système, de réduire les gens à leur chiffre, et à tout une série de caractères et de comportement que l’on attend d’eux, d’après cette grille.

Et ça, je ne vous apprends rien en vous rappelant comme cela peut se révéler dangereux. Vous avez déjà entendu parler de l’Effet Rosenthal (ou effet Pygmalion) ? D’après Wikipédia, « l’effet Pygmalion (ou effet Rosenthal & Jacobson) est une prophétie autoréalisatrice qui provoque une amélioration des performances d’un sujet, en fonction du degré de croyance en sa réussite venant d’une autorité ou de son environnement. Le simple fait de croire en la réussite de quelqu’un améliore ainsi ses probabilités de succès. […] L’effet Pygmalion est principalement étudié dans le cadre des effets positifs. L’effet inverse est appelé effet Golem : il se traduit par une performance moindre et des objectifs moins élevés sous l’effet d’un potentiel jugé limité par une autorité ».

En clair, le regard que l’on porte sur l’autre a une influence considérable sur son comportement, et ce dans tous les domaines de la vie : la parentalité, l’école, le travail, les relations amicales et amoureuses. Lorsque nous sommes persuadés que l’autre va se comporter de telle ou telle manière, il y a une grande probabilité pour que ce soit effectivement le cas, notamment sous l’effet des invitations inconscientes que nous lui tendons.

Pourquoi on a tant de mal à s’en rappeler…

S’il me semble que la plupart des personnes formées à l’Ennéagramme ont déjà tout cela en tête, je constate pourtant toujours autant de confusions, de raccourcis et de stéréotypes persistants. Or tout cela amène l’Ennéagramme exactement à l’opposé de ce qui est son but premier : participer au développement de la liberté et de la bienveillance chez l’être humain.

Pourquoi ? Principalement pour trois raisons :

  • Un certain manque de clarté des enseignants

Il faut bien faire amende honorable de temps en temps… Et en effet, force est de constater que les enseignants que nous sommes ne sont pas toujours très clairs, surtout au départ, et souvent par soucis de simplification. Nous sommes nombreux à aller un peu vite et à présenter l’Ennéagramme comme un outil pour comprendre la « personnalité » humaine, ou à dire que l’Ennéagramme permet de mieux se connaître. Si la première affirmation est fausse, la seconde est pourtant exacte. Toutefois, l’Ennéagramme nous aide à mieux nous connaître non pas parce que c’est une grille qui nous dit qui nous sommes, mais à l’inverse, parce qu’il attire notre regard sur les endroit où nous nous sommes identifiés à tort à nos réactions, nos pensées et nos émotions.

  • Le besoin de sécurité et de facilité de l’être humain

Etiqueter, labelliser, et ranger… Là encore, nous sommes tous égaux face à cette tendance de l’esprit à vouloir maîtriser et définir ce qui nous entoure. Et parfois, nous nous retrouvons, sans même nous en rendre compte, à sacrifier la nuance et la subtilité de l’Ennéagramme sur l’autel de notre sécurité. C’est tellement bon de se dire qu’on a tout compris et que l’on sait ! Une bonne fois pour toute ! D’autant plus que notre Ego nous pousse continuellement à interagir avec l’autre sur la base de son ego, et donc malheureusement à l’enfermer dans une définition restrictive d’une somme de comportements et de réaction que nous attendons de lui.

En revanche, que l’on soit bien clair à ce sujet : cette tendance à labéliser et à étiqueter l’autre n’est pas une conséquence de l’Ennéagramme. En effet, c’est plutôt une tendance naturelle de l’être humain : notre cerveau cherche à aller au plus simple et au plus maîtrisé, histoire de nous éviter de dépenser trop d’énergie à réfléchir de nouveau et à développer une pleine conscience et une pleine présence à l’autre. Et ceci, lorsque nous n’en sommes pas conscients, nous empêche d’accéder à la sagesse de l’Ennéagramme.

  • Notre tendance à ramener chaque type à des personnes qui nous ont marqué

Dernier processus qui souvent se déroule à notre insu : notre mémoire sélective et émotionnelle nous amène à garder une trace très forte et précise de tous les gens qui nous ont marqués dans notre enfance. Ces humains et leur personnalité sont comme gravés dans notre propre carte du monde des gens « bien », et des gens « mauvais », à partir de laquelle se construisent nos valeurs et nos croyances. Et quand nous découvrons l’Ennéagramme, nous identifions très souvent et très rapidement (parfois consciemment) certains de ces personnages à des Ennéatypes en particulier.

Résultat : Si je suis persuadée que mon père qui m’a tant fait souffert était de type 8, je vais avoir tendance à partir du principe que quiconque lui ressemble est forcément un 8 à son tour, et j’aurai du mal à me souvenir de toutes les caractéristiques du 8 que je n’ai pas vu s’exprimer, dans mon souvenir et dans mon expérience avec mon propre père.

En revenir à quelques définitions : personnalité, caractère et ego

Profitons alors de cet article pour remettre certaines définitions en place :

  • Personnalité : la personnalité est un concept très utilisé en psychologie qui regroupe les caractéristiques, les traits, et les comportements mesurables et observables d’une personne. Par exemple, l’introversion, l’ambition, etc.
  • Structure de caractère : il s’agit d’un concept plus philosophique, qui implique souvent un jugement moral positif ou négatif sur des qualités. Par exemple, bon ou cruel, travailleur ou feignant

Mauvaise nouvelle (ou pas…), l’Ennéagramme ne nous renseigne ni sur l’une, ni sur l’autre. Il nous faut donc aller cherche une troisième définition, celle de l’Ego, dans sa conception à la fois psychologique et spirituelle.

  • Dans sa définition psy (et en particulier pour ceux d’entre vous qui son familiers de la psychanalyse), l’Ego est cette barrière entre le « ça » et le « surmoi ». Il s’agit d’une structure interne dans laquelle sont incrustées les normes, les règles sociétales et morales, à partir de laquelle on interagit avec les autres. En psychanalyse, c’est bien l’Ego qui est responsable de refoulement, c’est-à-dire du renvoi dans l’inconscient de tout ce qui ne peut être traité parce que potentiellement trop dangereux ou déstabilisant.
  • Dans sa définition plus spirituelle, l’Ego est une identification. C’est-à-dire que je vais m’identifier à ce que je considère comme étant « moi », à une définition rigide (mais protectrice) de moi-même, et autour de laquelle vont se mettre en place tout un cortège de schémas émotionnels, de filtres de perception et d’habitudes comportementales. L’attachement que l’on éprouve vis-à-vis de cette image de nous-même nous empêche alors de sentir et de reconnaître que plus profondément, notre essence est quelque chose de beaucoup plus grand.

L’Ennéagramme n’identifie donc ni la personnalité, ni le caractère de l’être humain, mais « se contente » de mettre en lumière la structure de l’Ego, c’est-à-dire le masque inconsciemment porté pour entre en interaction avec les autres, la « fausse » identité que chacun de nous à eu à se construire pour se protéger et pour pouvoir grandir.

Mais alors comment se prémunir alors des raccourcis que l’on fait parfois inconsciemment, et booster notre justesse ?

J’ai envisagé l’espace d’un instant de vous recommander de lire cet article trois fois par semaine… Puis, au-delà du côté complètement mégalo de cette ordonnance, je l’ai relu moi-même et j’ai écopé d’un mal de tête ! Je me suis mise à la recherche d’autres pistes à vous transmettre…

Plus sérieusement, et loin des recettes miracles ou des mantras, je ne connais pas d’autre garde-fou à notre propre tendance à la simplification que le développement de notre Curiosité… : juste vivre et observer, toujours avec la curiosité innocente de l’enfant, les autres êtres humains et leur fonctionnement. Il n’y a pas meilleur enseignant que l’Autre, en particulier quand son comportement nous interroge, nous dérange, et nous invite au jugement.

Gardons toujours, comme un phare dans la nuit, suffisamment d’humilité et de curiosité pour chercher à comprendre, et espérons que cela nous évite, autant que possible, d’étiqueter.  

2 Comments

  1. Quel bonheur de te lire… je n’ai pas eu mal à la tête mais je ne l’ai lu qu’une seule fois pour l’instant !!! Merci Eloïse pour le partage de cette reflexion qui remet les pendules à l’heure ! Et qui me redonne envie de poursuivre les modules d’énnéagramme non pour étiqueter mes concitoyens comme des papillons dans une collection mais pour encore nourrir ma curiosité !

    1. Un grand merci pour ton retour qui me va droit au coeur !! 🙂
      Et puis la curiosité, on a rien fait de mieux pour apprendre sans juger, dans la douceur, l’attention à l’autre et le bonheur de partager ! Alors au plaisir de te retrouver sur un module à l’occasion ! On rattaque avec le niveau 1 les 3 et 4 octobre, puis un niveau 2 (avec les sous-types) les 7 et 8 novembre si jamais…
      De grosses bises à toi !

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